Après le 3 Novembre … le chaos ?
J’ai eu la chance de discuter hier avec un Américain très actif en politique, qui a travaillé à la Maison Blanche sous l’ère Clinton à la fin des années 90 et est aujourd’hui très investi dans la campagne de Joe Biden. Encore traumatisé par ses souvenirs de la nuit de l’élection 2016, ce dernier affichait à la fois sa confiance sur les chances du candidat démocrate : 65 % de chances de gagner selon les sondages. Mais il semblait aussi chercher une approbation dans mon regard, la rassurante confirmation qu’un nouveau hold-up est impossible. Et quand je lui ai fait remarquer qu’Hillary Clinton avait à peu près la même avance à ce stade de l’élection il y a quatre ans, il a jugé que la situation est différente aujourd’hui. Car si les électeurs lassés ont voulu laisser sa chance à un « outsider » en 2016, ils savent maintenant à qui ils ont affaire. Ce postulat va-t-il tenir l’épreuve de la réalité ? Les sondages et rallyes de campagne montrent que les partisans de Trump le soutiennent quoi qu’il arrive, et que l’élection se jouera avant tout sur la capacité de chaque candidat à inciter à se déplacer ou envoyer un bulletin de vote avec leur nom.
Or, c’est bien ce contexte exceptionnel de pandémie, et de vote massif par courrier, qui va impacter cet Election Day, et risque de créer de très vives tensions dans les deux camps. Car contrairement à un soir d’élection classique, où le Président est annoncé même si c’est à une heure avancée de la nuit, le vainqueur ne sera pas connu le 3 novembre au soir, car les bulletins par courrier ne seront pas encore tous comptabilisés. Or, ils favorisent Joe Biden : selon un récent sondage réalisé par NBC et Wall Street Journal, 47 % des démocrates envisagent de voter à distance, contre seulement 11 % de républicains. Selon toute probabilité donc, le résultat provisoire pourrait être en faveur de Donald Trump le soir de l’élection. Mais ce dernier a déjà déclaré à tout-va que le vote par courrier ne pourrait être rien d’autre qu’une fraude massive, et il va sans aucun doute contester les votes décomptés plus tard et en sa défaveur.
C’est le scénario du pire, mais aussi le plus probable : aucun gagnant annoncé le 3 novembre, et des batailles juridiques qui pourraient durer des mois. Donald Trump, que le journaliste de TF1 Guillaume Debré compare à un homme assis sur un baril d’explosifs avec une boîte d’allumettes à la main, va vouloir mettre le feu aux poudres. Et entre ses partisans clients de théories conspirationnistes et un mouvement Black Lives Matter très remonté contre ce Président des blancs, l’affrontement pourrait être sanglant. Cette projection n’est pas catastrophiste, elle est envisagée comme scénario central par les démocrates, qui musclent leur stratégie légale pour que ces élections ne discréditent pas le système politique américain.
L’enjeu est aujourd’hui d’avoir le nom d’un président d’ici à l’investiture le 20 janvier prochain. Ce n’est pas gagné et surtout, l’enjeu financier : l’équipe de Joe Biden a constitué une équipe de transition de plus de 100 personnes, qu’il faudra rémunérer pendant ces 2 mois et demi, en attendant d’avoir le verdict. Plus que jamais, la course contre la montre de l’argent est enclenchée pour le démocrate, qui a levé un record historique de 364 millions de dollars au mois d’août.
Enfin, après ce scénario de l’Apocalypse, la bonne nouvelle du jour vient de Wall Street : Snowflake, une start-up californienne créée par deux français et qui se spécialise dans le traitement de données dans le cloud, a vu son prix doubler le jour de son IPO, soit 67 milliards de dollars ! Il signe la plus grosse IPO de logiciels de l’Histoire, et le groupe est déjà plus gros qu’Uber. Après la rapide déroute des valeurs tech ces derniers jours, cette opération donne les meilleurs espoirs aux jeunes pousses de la tech qui veulent entrer en Bourse. Dommage que de l’autre côté de l’Atlantique, Euronext ne soit pas plus attractive pour les pépites françaises…