L’empathie peut-elle l’emporter en 2020?
Depuis mon premier post, la fin de semaine a marqué une pause dans les hostilités entre les candidats à la présidentielle, à la faveur des cérémonies du 11 septembre. Donald Trump, qui a été fustigé ces derniers jours pour avoir traité de « losers » les soldats américains tués au combat, a rendu un sobre hommage aux passagers qui ont dérouté l’avion devant s’écraser sur le Pentagone en Pennsylvanie. Après une première cérémonie près de Ground zero à Manhattan, Joe Biden a ensuite emboîté le pas du Président sur place. A l’inverse, ce dernier a, comme à son habitude, pris du temps pour parler individuellement à des familles de victimes, s’identifier à ceux qui ont perdu des êtres chers, lui qui a perdu sa première femme et fille dans un accident de voiture, puis son fils Beau d’un cancer, il y a quatre ans.
Joe Biden excelle sans aucun doute dans ce registre de l’empathie, et c’est devenu une clé de voûte de sa campagne présidentielle, celle d’un homme qui se soucie de ses compatriotes dans un moment de crise. Une stratégie d’opposition viscérale à Donald Trump, présenté comme un narcissique qui s’est montré à de multiples reprises incapable de se mettre à la place des Américains et de leurs difficultés. Le candidat républicain utilise plutôt le registre émotionnel de l’agression et de la conspiration pour monter autour de lui, non un consensus, mais un cri de révolte.
En pleine crise Covid, l’Amérique a terriblement besoin de réconfort, mais a aussi démontré sa profonde division avec le mouvement Black Lives Matter. C’est sur cet apaisement que parient les démocrates, qui misent sur un profil moins ambitieux que Barack Obama, mais qui est au moins proche des gens. L’empathie, la capacité à se mettre à la place de l’autre et à partager ses sentiments, peut-elle être la planche de salut de cette élection 2020?
La réponse ne viendra pas de New York, de la Californie ou du Texas, aux résultats prévisibles, mais de ces « swing states », ces quelques Etats clés qui feront probablement basculer le scrutin. Par exemple la Floride, État remporté à seulement 1 point par Donald Trump en 2016. Le dernier sondage CNN-Marist donne les deux candidats au coude-à-coude (48 % d’intentions de vote chacun), les démocrates ont perdu du terrain en mettant en pause leurs meetings de campagne sur le terrain pendant la pandémie, contrairement aux républicains. Mais Michael Bloomberg vient d’annoncer investir 100 millions de dollars dans l’État en soutien à Joe Biden, suscitant des tweets rageurs de Donald Trump. Le camp démocrate n’a plus beaucoup de temps pour récupérer l’électorat hispanique qui lui est traditionnellement favorable, notamment les non-cubains. Et cela, alors que les républicains les accusent de représenter les communistes et anarchistes de gauche honnis par cette population.
Enfin, à l’heure où j’écris ces lignes, Donald Trump arrive en Californie pour y constater les terribles dégâts des incendies et du réchauffement climatique, dont il réfute les preuves scientifiques. Et selon le New York Times, Joe Biden a créé une « war room » de centaines d’avocats pour préparer une bataille judiciaire après le 3 novembre et préserver l’intégrité de l’élection. Donald Trump avait déjà indiqué qu’il contesterait le résultat du vote en 2016, et le fera sans aucun doute en 2020, en prétextant d’une fraude massive du vote par courrier. S’ensuivraient plusieurs mois de chaos et de recompte des votes pour déterminer le vainqueur…
PS : Le saviez-vous ? Plusieurs membres du Congrès américain ont relayé la charge contre Netflix et le film « Mignonnes » (Cuties) sorti aux Etats-Unis, notamment avec le hashtag #CancelNetflix. Ils jugent que cette histoire d’une fille de 11 ans, tiraillée entre sa famille musulmane traditionnelle et son envie de « twerker » avec des filles de son âge, est une apologie de la sexualisation des petites filles et de la pédophilie. J’ai vu ce film il y a quelques jours et j’ai adoré cette façon de filmer ces 2 mondes du point de vue d’une pré pré-ado, qui n’a aucune notion de la connotation sexuelle de ces danses. Cette bien-pensance gratuite, de gens qui n’ont même pas vu le film : so American !