Comme un air du Parrain

A la seule évocation du Parrain, les notes de musique de ce film culte démarrent dans votre tête, et cette phrase mythique de la scène d’ouverture : « I believe in America », prononcée par Bonasera. il faut dire que l’Amérique de ces derniers jours me fait vaguement penser au film, tant les républicains semblent encore craindre Donald Trump, ses connexions et sa possible quête de revanche. Dans la foulée de l’invasion du Capitole pourtant, les législateurs, qui ont été séquestrés pendant des heures et ont eu un sacré coup de chaud ce 6 janvier, ont globalement condamné les propos du Président, jugeant qu’il avait harangué la foule de ses supporters pour réclamer que justice soit faite.

 

Mais les jours passent et les langues se lient. Pour preuve, après que la Chambre des Représentants a voté le deuxième impeachment en un temps certes record, le Sénat vient de rejeter à une courte majorité de 55 contre 45, l’invalidation du procès pour « incitation à l’insurrection » de Donald Trump. Les raisons invoquées pour le retoquer ? L’article de la Constitution ne permettrait de condamner qu’un Président en exercice, ce que Donald Trump n’est plus à ce jour. Une interprétation qui est largement sujette à controverse au plan légal, mais là n’est pas la question finalement. Pour rappel, il faudrait que le Sénat vote à la majorité des deux tiers (67 votes) un éventuel impeachment de Donald Trump, au terme d’un procès. Or, le vote montre qu’on est aujourd’hui loin du compte et que, sauf renversement de situation, tout porte à penser que Donald Trump sera acquitté au terme de cette investigation.

 

Cette étape, qui était avant tout éminemment politique, confirme une chose : même parti de la Maison Blanche, Donald Trump a encore une emprise unique sur le parti républicain, y compris au plus haut niveau. Mitch McConnell, porte-parole républicain du Sénat jusqu’à ce que la majorité bascule début janvier, laissait entendre jusqu’à présent que les actes de Donald Trump étaient passibles d’impeachment, même s’il se déclarait indécis sur son vote. Pourtant, il a lui aussi voté contre la tenue de ce procès, dans la lignée du parti. Argument invoqué en sens inverse par Lisa Murkowski, sénatrice républicaine d’Alaska : « c’est un sujet de responsabilité politique ».

 

Pour l’instant, la procédure est mise en pause pendant deux semaines, le temps que la nouvelle administration Biden obtienne l’approbation de ses nominations. Janet Yellen, l’éminente économiste et ancienne présidente de la Fed (banque centrale américaine), a été confirmée sans difficultés, tout comme Avril Haines à la tête de la National Intelligence, et Anthony Blinken comme secrétaire d’Etat, équivalent de notre ministre des Affaires Etrangères, parmi d’autres. La symbolique est forte : Joe Biden, y compris la vice-Présidente, a nommé le cabinet le plus ouvert à la diversité, sous toutes ses formes. Parmi les 24 noms, six Noirs, quatre Hispaniques, trois Asiatiques et un Américain natif, et la moitié sont des femmes. Du jamais-vu.

 

Mais ne nous leurrons pas, le début de cette administration sera loin d’être un long fleuve tranquille. Le nouveau locataire de la Maison Blanche a donné trois priorités dans les décrets signés le jour de son inauguration : Covid, immigration et climat. Sur cette dernière thématique, Joe Biden a déjà annoncé la fin du forage pétrolier et gazier sur les terres et eaux fédérales. Mais il doit aussi jouer un jeu d’équilibriste, comme sur le sujet de la fracturation hydraulique, qu’il souhaite interdire sur les lieux publics mais non privés, et se fait des ennemis parmi les plus activistes de son parti. Sur l’immigration, l’équipe Biden a annoncé un moratoire de 100 jours sur la déportation d’immigrés illégaux, qui a été bloqué temporairement par un juge fédéral du Texas ce mardi. Sur ces sujets cruciaux, Joe Biden va susciter l’opposition, même de la part de son propre camp.

 

Enfin, la réponse à la pandémie est bien sûr la priorité numéro un du 46ème POTUS. Joe Biden a relevé hier l’objectif de vaccination à 1,5 million par jour, contre 1 million initialement. Mais surtout, il vient de confirmer qu’il négociait l’achat de 100 millions de doses supplémentaires de Pfizer et de Moderna. Soit 600 millions de doses au total et de quoi vacciner 300 millions d’Américains de plus de 16 ans d’ici la fin de l’été. Si cette promesse est tenue, elle est en tout cas une véritable lumière au bout du tunnel pour les Américains, qui ont payé le plus lourd tribut mondial à la pandémie, avec 420.000 morts. Reste à apporter une réparation financière à ces millions de personnes qui ont perdu emploi et revenus pendant la crise. Une discussion de plan de relance intense en vue, dans un Congrès qui est plus divisé que jamais.

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