Cour Suprême : le Fruit Défendu des républicains ?
Quelle semaine. Après les nombreuses manifestations qui ont suivi la décision de ne pas poursuivre les policiers responsables de la mort de Breonna Taylor, ont débuté les obsèques et cérémonies en hommage à Ruth Bader Ginsburg. La juge de la Cour Suprême est non seulement la première femme, mais aussi la première Juive à être inhumée au Congrès américain. Et a marqué l’Histoire de cette institution en oeuvrant inlassablement à faire avancer l’égalité entre les sexes. Mais après avoir résisté à tout idée de démission, même après avoir combattu deux cancers, la juge libérale s’est éteinte sous l’ère Trump, à six semaines de l’élection présidentielle. Laissant à Donald Trump la possibilité de nommer un troisième juge de la Cour Suprême – une première depuis Richard Nixon – bien moins favorable à la cause féministe. Pourtant, un process accéléré de nomination pourrait coûter cher au plan politique.
Le Président a ainsi nommé la juge de cour d’appel Amy Coney Barrett, fervente catholique et mère de sept enfants, qui doit être confirmée par le Sénat. Celle-ci est résolument opposée à l’avortement, même si elle a déjà déclaré que le droit constitutionnel issu de Roe vs Wade était un précédent établi. Et à une majorité de 6 conservateurs contre trois libéraux, la Cour Suprême pourrait renverser cette décision, laissant aux États la liberté de légiférer sur cette question cruciale. Mais à plus courte échéance, elle pourrait également contribuer à rendre inconstitutionnel l’Obamacare (Affordable Care Act), la loi qui a créé une assurance maladie de base pour 20 millions d’Américains précaires, et l’héritage de Barack Obama. Donald Trump a renchéri sur le sujet en plaidant sur Twitter pour mettre fin à ce système, mais les sénateurs Républicains rechignent à affirmer cela haut et fort.
Et pour cause, il s’agit d’un risque électoral majeur pour eux. La grande majorité des Américains est favorable à cette loi et beaucoup d’entre eux en dépendent pour leurs soins. Si bien que les électeurs sanctionneraient le camp républicain s’il était responsable de sa prochaine suppression. L’élection présidentielle est aussi une échéance électorale pour les sénateurs, et 23 sièges de sénateurs républicains sont à renouveler. Ces derniers sont donc tiraillés entre la volonté de confirmer rapidement une nomination historique pour le camp conservateur à la Cour Suprême, et la peur que cela ne leur coûte leur place.
A ce jour, les Républicains ont une majorité de 53 sénateurs et seuls deux d’entre eux ont indiqué vouloir attendre l’élection présidentielle pour confirmer un juge à la Cour Suprême. Ils ont donc la voie libre pour le faire et Mitch McConnell, le leader de la majorité républicaine, a promis un agenda intense d’auditions, de façon à confirmer Amy Coney Barrett avant le 3 novembre. Mais selon le dernier sondage du New York Times et Siena College, une majorité de 56 % des Américains souhaite que ce soit le prochain président qui nomme cette juge. 56 % d’entre eux seraient moins enclins à voter pour Trump si sa juge renversait Roe vs Wade. Et selon les mêmes sources, Joe Biden maintient une avance de 8 points sur Donald Trump au plan national, à 49 % contre 41 % des intentions de vote.
Pour reprendre la Bible, la nomination d’Amy Coney Barrett pourrait être le Fruit Défendu des républicains, une tentation extrême mais qui pourrait leur coûter la majorité au Sénat. Si bien que si les sondages disaient vrai – ce qui n’a pas été le cas en 2016 – Joe Biden gouvernerait avec un Congrès entier de sa couleur politique. Et l’héritage de Trump se limiterait à faire basculer la Cour Suprême côté conservateurs.
L’enjeu est donc unique et historique. Autre grand rendez-vous la semaine prochaine, celui du premier débat télévisé entre Donald Trump et Joe Biden mardi soir. Comment débattre contre quelqu’un qui ment ? Un exercice très délicat en vue pour le candidat démocrate, que je suivrai et analyserai en détails pour vous.
A suivre également, les déclarations de Donald Trump, qui refuse d’indiquer qu’il acceptera une éventuelle défaite et remet en cause le vote par courrier. Ce sera le nerf de la guerre de l’après-3 Novembre. En attendant, une bonne fin de dimanche !