Trump milliardaire, le mirage
Le timing n’est certainement pas dû au hasard. Dimanche soir, à deux jours du premier débat présidentiel télévisé, le New York Times a lâché une bombe : les informations trouvées dans les déclarations d’impôts de Donald Trump sur 20 ans, jusqu’en 2017. Le Graal des démocrates, les documents que personne n’attendait plus. Rappelons que le Président américain est le premier depuis Richard Nixon à ne pas s’être plié à l’exercice de transparence, selon lequel tout candidat à la présidentielle doit rendre publique ces fameuses déclarations. Et cette enquête très, très longue et détaillée, qui a confronté ces documents aux autres informations disponibles sur la Trump Organization, confirme ce que l’on soupçonnait depuis longtemps. Derrière l’image d’un milliardaire « self-made man », cette notoriété entretenue grâce à son rôle dans la télé-réalité « The Apprentice », l’homme d’affaires a accumulé les dettes et a réussi à utiliser le système fiscal – des dépenses discrétionnaires de consulting, de frais divers et variés – pour réduire au maximum sa facture fiscale. A savoir : 750 dollars d’impôt fédéral sur le revenu, en 2016 et 2017.
On apprend ainsi que Donald Trump a gagné plus d’argent à jouer le rôle de milliardaire dans « The Apprentice », qui lui a rapporté 427 millions de dollars en licences et opérations promotionnelles sur cette période, que dans son activité d’investisseur immobilier. Cela lui a permis d’investir agressivement dans des hôtels et parcours de golf, mais qui ont perdu beaucoup d’argent et avaient quasiment englouti l’intégralité de son cash lorsqu’il s’est présenté en 2015. De là à imaginer que sa vocation présidentielle n’avait qu’un seul but, refaire parler de lui pour améliorer ses affaires, il n’y a qu’un pas…
La méthode est la même depuis près de 20 ans : utiliser l’argent gagné grâce à son nom à la télévision pour acheter des actifs risqués (hôtels et golfs), et affecter les pertes de ces actifs pour réduire sa facture fiscale. Mais aussi des frais particulièrement opaques : 26 millions de dollars de « consulting fees » depuis 2010, environ 20 % de ses revenus. Aucun nom de ces fameux consultants, mais hasard improbable, le montant correspond exactement à la rémunération perçue par Ivanka Trump en tant que consultante en 2017 : 746 622 dollars. Tout porte donc à penser que le Président réussit à rémunérer ses enfants pour faire baisser le montant de son chèque à l’IRS. Parmi les autres dépenses « nécessaires à la tenue des affaires et mesurées », 70.000 dollars de frais de coiffeur pour « The Apprentice », plus de 100.000 dollars de draps et près de 200.000 dollars de paysagisme pour Mar-A-Lago.
Mais la réalité risque de bientôt rattraper Donald Trump. L’homme a garanti personnellement 421 millions de dollars de prêts et dettes, dont plus de 300 millions arrivent à échéance dans les quatre prochaines années. Par comparaison, ses différentes entreprises n’affichent que 35 millions de dollars de trésorerie. Il est également en litige avec l’administration fiscale, l’IRS, concernant un remboursement d’impôt de 72,9 millions de dollars. S’il devait perdre, cela aboutirait à une facture de plus de 100 millions de dollars avec les intérêts. Et ses deux principaux actifs – le golf de Doral près de Miami (125 millions de dollars de dettes) et l’hôtel de Washington (160 millions) - affichent de lourdes pertes annuelles, si bien qu’ils pourraient être difficiles à refinancer. L’étau semble donc se resserrer autour d’un Président qui n’a pas d’autre choix : celui d’emporter un nouveau mandat, pour reculer l’échéance et bénéficier de son statut pour remplir ses hôtels et golfs. Comme il a si bien réussi à le faire depuis quatre ans.
Ce scoop est le reflet d’une triste réalité américaine : les riches, qui ont du patrimoine et des avocats avisés, peuvent utiliser le système fiscal à leur guise pour réduire leur facture d’impôt. Il s’agit bien sûr de pain bénit pour Joe Biden, qui ne manquera pas de l’aborder lors du débat présidentiel ce soir. Mais Donald Trump a déjà démontré une facilité déconcertante à gesticuler pour évacuer les sujets sensibles, et braquer le projecteur sur les failles de son adversaire. Sortez les popcorn, on ne va pas s’ennuyer !