D+1 : les montagnes russes

What. A. Day. Une fois de plus, cette élection présidentielle américaine a été le théâtre des plus spectaculaires rebondissements, jusqu’au soir même de l’élection. Au moment où j’écris ces lignes, Joe Biden semble se rapprocher doucement du seuil fatidique des 270 grands électeurs. Mais l’incertitude reste de mise, et surtout la bataille judiciaire est enclenchée.

 

Revenons à hier soir. Après une journée calme dans les bureaux de vote du pays – ce qui est déjà un premier succès – j’ai allumé ma télévision autour de 18h. Victime de mon statut d’expatriée blanche résidente d’une grande ville comme New York, je m’attendais à assister à une vague bleue dès les premières heures de la soirée électorale. Et croyait bêtement, comme en 2016, que les sondages étaient dans le vrai. Et à nouveau, comme il y a quatre ans, la douche froide de la Floride, qui finit par passer du côté de Donald Trump. Et déjà, se pose la première question: comment le Président, qui n’a pas vraiment eu de mots tendres envers les latinos, a pu gagner cet Etat grâce à leur vote? En réalité, il a réussi à rattraper son retard de 2016 grâce aux Cubains Américains du comté de Miami, notamment en accusant Joe Biden d’être un membre de la gauche radicale, bref proche des communistes. De son côté, la campagne démocrate n’a pas suffisamment courtisé la Floride, pourtant clé.

 

La suite de la soirée a été plus fidèle à la carte traditionnelle des deux partis. Surtout les fameux « swing states », déterminants pour cette élection, étaient tous très serrés, et n’ont pu appeler un vainqueur dès mardi soir, en raison des volumes de votes à distance à traiter. Si bien qu’en allant me coucher, la carte de l’élection 2020 était bien peu réjouissante pour Joe Biden. J’ai heureusement échappé à l’allocution de Donald Trump depuis la Maison Blanche, qui a assuré avoir gagné l’élection, et a appelé à arrêter de compter les votes, invoquant la fraude massive.

 

Aucune surprise dans la rhétorique du Président, puisqu’il répète à l’envi que cette élection est truquée depuis plusieurs semaines maintenant. Mais ce genre de phrase a encore une autre portée quand elle est prononcée depuis le lieu du pouvoir exécutif, le soir de l’élection. Donald Trump n’a aucun intérêt à ce que soient décomptés les votes à distance qui favorisent les démocrates, et a l’intention d’empêcher un dépouillement pacifique depuis longtemps. Il a promis de faire appel à la Cour Suprême, et espère faire entrer en jeu les juges conservateurs qu’il y a placés. Mais nous n’en sommes pas encore là. La campagne républicaine devra lancer des procédures judiciaires dans les tribunaux fédéraux de chaque État où il conteste l’élection, avant qu’elles ne passent en appel puis éventuellement, à la Cour Suprême. A ce jour, la campagne Trump a déjà lancé des poursuites dans le Michigan et le Wisconsin, mais aussi en Géorgie, pour contester les résultats ou le mode de dépouillement.

 

L’enjeu est d’autant plus crucial que la journée de mercredi a été favorable à Joe Biden: le candidat démocrate a emporté le Michigan et le Wisconsin, deux des Etats clés du Midwest, traditionnellement démocrates, et qui avaient basculé du côté de Donald Trump en 2016. Il mène donc avec 253 grands électeurs contre 213 pour Donald Trump, et pourrait devenir le 46ème Président des Etats-Unis s’il prenait le dessus dans l’Arizona et dans le Nevada, où il a une faible avance mais où le décompte continue.

 

Une chose est sûre: cette élection est bien plus serrée que les sondages les plus conservateurs l’anticipaient. Il n’y a pas eu de véritable référendum anti-Trump, malgré la pandémie et la crise économique, et c’est la plus grande déception de la campagne Biden. Sans compter qu’au vu de la situation, tout porte à penser que le Sénat restera côté républicain, et que le prochain Président américain devra gouverner avec un Congrès divisé. Ne nous trompons pas, Joe Biden a remporté le vote populaire à plus de 3 millions de votes à ce stade. Mais avec une si courte avance en termes de grands électeurs, il a ouvert un boulevard à la campagne Trump pour aller contester cette élection devant les tribunaux. Après le bras de fer de la campagne, la saga judiciaire ne fait que commencer…

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Une déferlante, une résistance… et le silence

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D-1 : la démocratie américaine en jeu