Le pouvoir de l’argent, et des images

A ce stade de la campagne, tous les candidats à une élection présidentielle sont confrontés au même challenge, qui est encore plus prégnant aux États-Unis : l’argent. Depuis leurs nominations respectives cet été, Donald Trump et Joe Biden dépensent des sommes colossales pour s’imposer et ils doivent résoudre une difficile équation, rester présents sur la scène médiatique sans vider leur trésor de guerre avant l’élection. Un marathon qui, à 16 jours de l’élection, semble favoriser Joe Biden. Le démocrate a plus de moyens que son adversaire, et met les bouchées doubles en ce moment, à grand renfort de spots publicitaires dans les « swing states », ces fameux États clés à remporter.

 

Pour rappel, Donald Trump organise depuis longtemps de grands rallyes de campagne, dans le cadre de ses fonctions et avant même sa nomination par la convention républicaine cet été, car c’est cette stratégie de maillage territorial qui s’était révélée gagnante il y a quatre ans. En 2016, il n’avait levé que 647 millions de dollars, presque moitié moins que l’enveloppe collectée par Hillary Clinton (1,19 milliards de dollars), mais l’a quand même devancée en réussissant à rassembler les foules, notamment dans les territoires cruciaux à l’élection. Cette année, le contexte est bien différent : en raison de la pandémie, Joe Biden n’a tenu que peu de meetings en personne pendant de longs mois, et Donald Trump a dû mettre en pause sa campagne pendant une semaine, en raison de sa contamination à la Covid-19. Depuis, il a repris son bâton de pèlerin, avec des meetings dans le Nevada, en Géorgie et en Floride en fin de semaine dernière, des États clés qu’il doit absolument gagner pour décrocher un second mandat.

 

Mais le nerf de la guerre d’une élection américaine, ce sont aussi les spots publicitaires qui tournent en boucle sur les chaînes de télévision du pays. Et sur ce créneau, Joe Biden affiche une longueur d’avance sur le locataire de la Maison Blanche. Le candidat démocrate a levé 383 millions de dollars le mois passé contre 247 millions pour son adversaire, et l’écart de l’argent se creuse entre les deux candidats. Si bien que Joe Biden est aujourd’hui en train de matraquer les télévisions du pays, et en particulier dans trois États cruciaux que sont le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie, en dénonçant sa gestion de la pandémie. La campagne démocrate dépense deux fois plus que celle de Trump depuis plusieurs mois. A l’inverse, ce dernier a dû revoir à la baisse ses dépenses publicitaires sur ces territoires pour se concentrer sur les États républicains en danger, comme l’Arizona et la Géorgie.

 

Car c’est la grande surprise de cette élection. Tout portait à penser que Donald Trump bénéficierait d’une plus grande cagnotte, et donc d’un avantage financier jusqu’au bout. Et il a eu l’ascendant pendant longtemps : sa campagne a levé 1,1 milliard de dollars entre début 2019 et juillet 2020, mais en a brûlé 800 millions dans des coûteux meetings et déplacements. A l’inverse, Joe Biden était plutôt un « outsider » au plan financier, qui avait collecté à peine 200 millions de dollars en juillet dernier, mais a ensuite bénéficié d’un engouement après sa nomination, lié au grand émoi de Black Lives Matter et surtout à l’arrivée de Kamala Harris sur son ticket.

 

Certes, les levées de fonds ne préjugent pas du gagnant, comme Donald Trump l’a démontré en 2016. Mais chez Joe Biden, on retrouve une ferveur populaire proche de celle qu’avait réussi à faire naître Bernie Sanders : le montant record de 383 millions de dollars en septembre a été levé auprès de 5,5 millions de contributeurs, soit une moyenne de 44 dollars par don. Cet élan suffira-t-il à l’amener à la Maison Blanche ?

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