Quatre sénateurs pour un Congrès

La date du 3 novembre n’évoque que le duel entre Joe Biden et Donald Trump pour la majorité des gens, mais elle est bien plus que cela. Ce jour-là, l’élection présidentielle se double du renouvellement de la Chambre des Représentants et d’une partie du Sénat. Pour rappel, la Chambre des Représentants est à majorité démocrate, tandis que le Sénat est encore républicain, mais a une courte avance : 53 sénateurs républicains contre 47 démocrates. Or, ce sont 35 sièges de sénateurs qui vont être soumis au vote dans moins de deux semaines. Cela signifie donc que si Joe Biden gagnait l’élection, il aurait besoin de trois sièges pour gagner la majorité au Sénat, en sachant que la voix de la vice-Présidente Kamala Harris tranche à 50-50. En réalité, ce serait plutôt quatre, car le sénateur démocrate de l’Alabama est en mauvaise posture dans un Etat très « rouge », et est donné perdant.

 

Quatre sénateurs donc pour récupérer le Sénat. A l’heure actuelle, deux Etats semblent prêts à basculer côté démocrate : l’Arizona et le Colorado, où les candidats démocrates affichent une avance de 11 et 10 points respectivement dans les sondages. Dans le Maine, la concurrence est féroce entre la sénatrice républicaine en place, Susan Collins, et la démocrate Sarah Gideon. Cette élection a été nommée la plus négative du pays par le Wesleyan Media Project, c’est-à-dire basée largement sur des attaques de l’adversaire (des slogans intellectuels comme par exemple, « Gideon a eu son gâteau – et l’a mangé ! »). Les libéraux sont remontés contre Susan Collins en raison de son vote en faveur de Brett Kavanaugh à la Cour Suprême, après les accusations d’harcèlement sexuel dont il a fait l’objet, et ont largement financé sa concurrente. A l’époque, j’avais moi aussi été très choquée qu’une seule sénatrice républicaine vote contre sa nomination (Lisa Murkowski). Les autres ont permis à cet homme d’accéder à la fonction juridique la plus puissante du pays, sans aucune enquête crédible sur cette affaire. Autre vaste sujet…

 

L’élection dans le Maine est très serrée, mais la démocrate semble tenir la corde. Reste un quatrième siège à gagner, et les regards se tournent vers la Caroline du Nord. D’un côté, le sénateur républicain en place, Thom Tillis, a manifesté son indépendance à l’égard de Donald Trump au début de son mandat. Il a notamment présenté un texte censé protéger Robert Mueller et son enquête sur les ingérences dans la dernière élection, dans le cadre de l’impeachment. Mais il a mécontenté ses collègues républicains, et confronté à la perspective d’une réélection, a changé de braquet. En 2019, il a changé d’avis à la dernière minute et voté en faveur du plan d’urgence nationale de Trump, visant à financer la construction du mur à la frontière avec Mexique. Il a voulu se montrer de plus en plus proche du Président, un peu trop d’ailleurs : il fait partie des politiques qui ont contracté le coronavirus lors de la nomination d’Amy Coney Barrett à la Maison Blanche, et a perdu de précieux jours de campagne. Ses efforts pour regagner ses galons auprès de la base, en se rapprochant de Trump, n’ont jusqu’à présent pas vraiment porté leurs fruits.

 

De l’autre côté, le démocrate Cal Cunningham était présenté comme un homme sans histoire et mesuré, mais une bombe a explosé sur sa route : des textos montrant une relation extra-maritale, qu’il a reconnue et pour laquelle il s’est excusé. Et curieusement, dans le pays qui a engagé un « impeachment » contre Bill Clinton pour avoir menti sur sa relation extra-conjugale… cet aveu n’a eu aucun impact sur les sondages ! Il devance encore son concurrent républicain de 2 petits points, à 49 % contre 47 % d’intentions de vote, donc dans la marge d’erreur.

 

Le suspense reste donc entier, ces quelques scrutins seront déterminants pour faire basculer le Sénat côté démocrate. Cela conduirait surtout à un Congrès « bleu » avec deux chambres acquises au Président, ce qui permettrait au ticket Biden-Harris d’avoir toute latitude pour faire voter leur programme. Dans 13 jours, ces scrutins seront au moins aussi importants que la présidentielle.

 

Enfin, les nouvelles du jour, qui vont vous faire plaisir ou vous exaspérer :

-       Le fondateur d’Oracle, Larry Ellison, a fait un don de 250.000 dollars à un super-PAC qui soutient Lindsey Graham, un sénateur républicain très proche de Trump, quelques jours avant que la Maison Blanche ne désigne Oracle pour reprendre TikTok aux États-Unis. Je viens de vérifier, pot-de-vin se dit « backhander » en anglais…

-       Purdue Pharma, le laboratoire qui commercialise l’Oxycontin principal responsable de la crise des opioïdes aux États-Unis, a plaidé coupable auprès du Département de la Justice, a accepté de payer une amende historique de 8,3 milliards de dollars et de liquider la société.

-       Après le chaos de la première session, les organisateurs du dernier débat entre Joe Biden et Donald Trump jeudi soir ont décidé de couper le micro de l’adversaire quand le candidat apportera sa réponse de 2 minutes à chaque question. Moi ça me rappelle le jeu du Roi du Silence, quand les enfants font trop de bruit :)

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