It’s the economy, stupid

Tous les vendredis matins, les économistes et le monde du business américains ont le regard rivé sur un chiffre : les créations d’emplois, qui font même l’objet de paris enflammés entre les initiés de Wall Street.

 

Le dernier rapport a été particulièrement encourageant : 353.000 emplois créés, presque le double de ce qui était attendu par les analystes, un taux de chômage qui reste très bas à 3,7 % et des salaires horaires en hausse régulière. Pourtant, tout n’est pas si rose sur le marché de l’emploi américain : les plans de licenciement ont repris sévèrement dans la tech en début d’année. Les mastodontes comme Google, Meta et Amazon ont appris le mot « rigueur » budgétaire pour satisfaire leurs investisseurs et leur cours de Bourse, et les startup serrent les coûts car elles ont plus de mal à lever des nouveaux fonds auprès de VC frileux en ce moment. En bref, après l’ère de la Grande Démission (Great Resignation) post-Covid, les salariés américains ont plutôt tendance à se cramponner à leur siège - éjectable du jour au lendemain - plutôt que de partir vers de nouvelles aventures entrepreneuriales.

 

C’est tout le paradoxe de Joe Biden en ce moment : car si l’économie Américaine se porte bien sur la plupart des indicateurs – croissance, emploi –, les Américains sont plus anxieux que jamais, face à un avenir incertain et à une inflation qu’ils jugent encore trop élevée. Est-ce une crainte légitime? Pas tant que ça, l’inflation a largement ralenti, à 3,4 % en 2023, certes au-dessus de l’objectif de 2 % de la Fed (banque centrale américaine), mais la tendance est à la baisse. Cela a même incité Jerome Powell et les membres de la Fed à envisager trois baisses de taux en 2024, ce qui a mis du baume au cœur des investisseurs ces dernières semaines.

 

En attendant, l’impact de l’inflation se fait bel et bien sentir : les taux des prêts immobiliers sont proches de leur record sur 20 ans, les Américains n’ont pas les moyens d‘acheter leur maison et doivent scruter leurs dépenses, ce qui pèse sur leur moral… et sur leur opinion du Président.

 

Dans une année électorale, Joe Biden tente tant bien que mal de faire parler de ses réussites économiques, tandis que Donald Trump l’attaque tant qu’il peut sur ce front. Et même lorsque les nouvelles sont bonnes, explique que les récents gains du S&P 500 sont dus à son entrée dans la course présidentielle.

 

Le problème est qu’en 2024, l’économie n’est plus l’argument massue pour un Président en exercice, qui lui permet d’espérer une réélection confortable. Démographiquement, les classes aisées se focalisent sur d’autres problématiques de société actuelles comme les revendications raciales, l’immigration ou encore l’avortement. L’économie est un facteur clé pour les classes populaires, qui sont traditionnellement plus acquises à Donald Trump. Le candidat républicain qui se présente comme un business man accompli, est considéré comme plus favorable à l’économie américaine : selon un dernier sondage NBC News, Trump devance mêmem Biden de 20 points sur sa gestion de l’économie en tant que Président!

 

Pour Biden, les prochains mois seront cruciaux sur le front de l’économie. Il doit espérer un contexte porteur et favorable sur les marchés, une inflation en recul, de sorte que les Américains aient l’impression de pouvoir à nouveau sortir leur portefeuille et nourrir l’économie avec leur enthousiaste consommation. Ce sera un argument plus sûr pour Joe Biden que les sujets difficile de l’immigration - sur lesquels il tente une approche plus dure ces dernières semaines - ou de l’avortement, sur lequel il n’a malheureusement pas de prise.

PS: Cette phrase est tirée de la campagne de Bill Clinton en 1992, qui a misé massivement sur le contexte économique pour gagner la campagne présidentielle de 1992 face à George H.W Bush.

Précédent
Précédent

Un plafond d’acier ?

Suivant
Suivant

E.Jean Carroll: quand MeToo n’a pas d’âge