Un plafond d’acier ?

“I know we have still not shattered that highest and hardest glass ceiling, but someday someone will — and hopefully sooner than we might think.”

Hillary Clinton, 2016 acceptance speech

 

 

Une femme Présidente ? Aux États-Unis, le pays qui vient de rayer un siècle d’avancement de la condition féminine en abrogeant le droit fédéral à l’avortement ?

L’idée semble improbable, saugrenue même, lorsque l’on sait que 42 % des femmes ont voté pour un homme qui se vante de « les attraper par la chatte » en 2016. Si les citoyennes du sexe féminin n’ont trouvé aucun avantage à Hillary Clinton, une avocate qui a occupé les fonctions de sénatrice, de Première Dame pendant 8 ans et de ministre des Affaires Étrangères de la « capitale du monde libre », cela laisse pantois sur les chances de Kamala Harris, qui a 10 ans de moins et n’a pu se doter d’une image auprès de Joe Biden pendant les quatre années de son mandat de vice-Présidente. Ce n’est pas à dire que Kamala Harris n’est pas compétente pour être le commandant en chef des États-Unis, loin s’en faut, mais simplement que pour une femme, la marche est plus haute.

 

Heureusement pour elle, elle peut compter sur plusieurs atouts dont n’avait pas bénéficié la première candidate présidentielle femme du parti démocrate. Le premier a trait à la situation politique du moment. Le pays entier était révulsé à l’idée de réélire un octogénaire mal en point, qui ne semblait pas capable de finir ses phrases face à son adversaire (ce qui ne laisse imaginer rien de bon sur la teneur des derniers pourparlers géopolitiques et économiques de son mandat). « Joe is out », et cela a suffi à faire trépigner de joie l’Amérique. Sa successeuse (si si, je vous assure que ça se dit) était naturellement celle qui figurait sur son ticket présidentiel, même si là encore, cela n’a pas coulé de source pendant quelques jours. Relents misogynes ou prudence électorale ? La réponse n’est pas évidente.

 

Toujours est-il que Kamala Harris est désormais la candidate officielle du parti Démocrate, qui lance sa grande convention ce soir à Chicago. Et la nouvelle de sa nomination a suffi à la propulser dans les sondages et à, d’un seul coup, offrir des chances de victoire, encore inespérées il y a quelques semaines, à son camp. Selon les derniers sondages du New York Times, Kamala Harris devance Donald Trump dans trois « swing states », ces Etats clés pour gagner : Wisconsin, Michigan et Pennsylvanie, et même dans l’Arizona plus récemment. Les marges d’erreur des sondages présidentiels américains sont importantes, on l’a vu avec l’élection de 2016. Mais ce simple changement de paradigme donne un nouvel élan et souffle à une campagne très moribonde jusqu’à présent.

 

Le challenge va maintenant être pour le pays d’apprendre à connaître cette femme qui reste encore peu connue du grand public, hormis son Etat d’origine, la Californie. Pour cela, elle peut compter sur un autre appui : celui d’Hillary Clinton, qui a échoué à gravir cette dernière marche en 2016. Cela sera probablement un moment doux-amer pour elle, mais elle fait partie des premiers politiques à avoir adoubé la candidature de Kamala Harris, et la soutient dans l’ombre depuis plusieurs années, en la mettant en relation avec tout le gratin de Washington. Et puis, sans le savoir, elle a joué un rôle primordial dans la vie de Kamala Harris : elle lui a ouvert la voie. Grâce à elle, l’Amérique a déjà vu une femme candidate à la plus haute fonction exécutive, et sera peut-être plus ouvert et prêt à cette option.

 

Comme beaucoup de pionnières, Hillary Clinton avait dû avoir recours au répertoire masculin pour être perçue comme légitime, et cela l’a parfois desservie, car elle était vue comme trop agressive – voire même ce mot hideux d’« hystérique ». Elle avait aussi axé sa campagne sur sa condition de femme avec son slogan « I’m with her » tant le moment était historique. Kamala Harris elle sourit à tout va dans ses meetings, n’a jamais voulu miser sur son sexe ou sa couleur de peau pour gagner, et part dans de grands éclats de rire (lui valant le surnom de « laffin Kamala » de Trump). Si elle peut se montrer si naturelle, c’est grâce à son aînée politique. Cela suffira-t-il à briser le plus puissant plafond de verre ?

Précédent
Précédent

« Laffin’ Kamala » contre « Glorious Donald »

Suivant
Suivant

It’s the economy, stupid