No justice no peace
Vous avez probablement, comme moi, assisté à la mascarade qu’a été le vote sur le deuxième procès en destitution (« impeachment ») de Donald Trump au Sénat, la semaine passée. Cette procédure était largement symbolique, car tout le monde en connaissait l’issue. Au lendemain de l’élection présidentielle, les paris allaient pourtant bon train pour savoir quel Républicain allait retourner sa veste contre Donald Trump, une fois que ce dernier serait sorti de la Maison Blanche. La réponse est cinglante : seulement 7 sur les 49 sénateurs républicains, qui ont pourtant vécu l’invasion du Capitole en première ligne. Les 42 autres ont assuré une nouvelle impunité à l’ex-Président pour avoir encouragé la violence et l’attaque contre le siège du pouvoir législatif.
Mais revenons sur ce procès. Au départ, on parlait de plusieurs mois de procès, ce qui risquait de retarder les nominations si attendues du cabinet de Joe Biden. Au lieu de cela, après un vote express à la Chambre des Représentants à majorité démocrate, le procès s’est tenu en trois petits jours au Sénat, sans audition ni témoignage. De quoi offrir un bel exercice de plaidoirie à des avocats talentueux (et encore, le client Donald Trump était paraît-il très remonté contre ses équipes après leurs prestations). Seule petite surprise, la diffusion de vidéos inédites et violentes de l’assaut, destinées à provoquer l’émotion et faire douter les sénateurs républicains présents. Ce procès avait un seul but pour l’accusation : marquer l’Histoire et la conscience collective des Américains, puisque Donald Trump est le seul Président à avoir été l’objet de deux procès en destitution. Et la défense s’en est largement tenue à un argument de forme : que le Congrès n’était pas apte à juger de ces faits.
Quoi qu’il en soit, la politique a vite rattrapé l’enjeu historique. L’impeachment a été approuvé à 57 votes contre 34, soit bien loin de la majorité des deux tiers (67) nécessaires. A l’issue de ce vote, les politiques en charge du dossier avaient néanmoins ce message, en forme de menace : « ce n’est pas fini ». Car si la voie fédérale pour destituer le Président était close, d’autres voies légales restaient en cours.
C’est bien le combat que mène le procureur de Manhattan, Cyrus Vance, à l’échelle de l’Etat de New York, et qui vient de connaître un important rebondissement ce lundi. Après de multiples recours, la Cour Suprême a retoqué pour la dernière fois le recours de Donald Trump, et a accordé l’accès à ses déclarations fiscales depuis 2011. Ce dernier est, rappelons-le, le premier candidat puis Président à ne jamais avoir divulgué ses déclarations fiscales. Mais le New York Times a obtenu de nombreux documents fiscaux sur 20 ans, et en a publié une série d’articles fin septembre (voir mon billet sur le sujet).
Les déclarations d’impôts de Donald Trump resteront certes confidentielles, et demanderont des mois d’enquête. Mais l’enjeu est immense pour le procureur, qui étudie plusieurs types de fraude. Tout d’abord, il veut démontrer que la Trump Organization surestimait la valeur de ses biens immobiliers pour obtenir de meilleurs prêts auprès de ses banques, mais les sous-estimait auprès du fisc pour réduire sa facture d’impôts fonciers, et auprès de ses assureurs. Il enquête également sur les millions de dollars de « frais de conseil » qui auraient réduit sa facture fiscale, notamment au bénéfice de sa fille, Ivanka. Une chose est sure : l’étau se resserre autour de l’ex-Président, et le procureur a réagi à cette décision favorable avec trois mots : « le travail continue ».
Pendant ce temps à Washington, le travail se poursuit aussi à grande cadence pour faire voter le grand plan de relance de 1.900 milliards de dollars tant attendu par des Américains exsangues, qui sont dans une situation économique très précaire après un an de pandémie. Le plan est approuvé par 70 % de l’opinion publique selon les sondages, si bien que les sénateurs républicains ont peu d’arguments pour le faire échouer. Il prévoit des aides aux petites entreprises, des chèques pour tous les Américains et des subventions substantielles pour les familles ou bien les personnes qui s’occupent de membres de leur famille. Des mesures qui replacent enfin l’humain et le « care » au centre de la politique américaine. Un message fort, au moment où le pays passe le terrible seuil de 500.000 morts.