Pourquoi Donald Trump « tient » les républicains
Dans mon dernier post, je vous faisais part du résultat officiel, et du silence assourdissant de la majorité républicaine, qui ne s’était pas résolue à féliciter Joe Biden. Quatre jours plus tard, Donald Trump continue de contester sa défaite à coup de tweets enflammés et d’invoquer la fraude sans preuve, et ses proches ont décidé malgré tout de rester de son côté. Les dernières prises de parole sont ahurissantes. Mitch Mc Connell, le leader républicain du Sénat, est sorti de sa réserve et a assuré que Donald Trump était "à 100% dans son droit" d’étudier ces allégations de fraude et d'évaluer ses options. Cette déclaration était attendue, car le rôle de Mitch Mc Connell est central, pour deux raisons. D’une part, le Sénat à majorité républicaine doit approuver la composition du cabinet de Joe Biden. D’autre part, si le Sénat reste aux mains des républicains, le nouveau Président n’aura pas d’autre choix que de composer avec son porte-parole pour faire passer des lois, en particulier un plan de relance particulièrement urgent. Autre déclaration à faire décrocher la mâchoire : en pleine conférence de presse, le secrétaire d’État (ministre des Affaires Étrangères) Mike Pompeo a assuré qu’il y aurait une transition fluide vers "une deuxième administration Trump". Sans ciller.
Dix jours après l’élection, la transition n’a toujours pas commencé officiellement. L’agence fédérale qui doit reconnaître le vainqueur du scrutin (GSA, General Service Administration) ne l’a pas fait, si bien que l’équipe Biden n’a pas reçu les 6,5 millions de dollars de fonds alloués à la transition, n’a pas accès à des informations sécurisées et ne peut vérifier les casiers judiciaires des prochains membres du cabinet ministériel.
Quel est donc le plan du clan Trump ? Les théories les plus folles ont circulé, surtout lorsque Donald Trump a limogé brutalement son ministre de la Défense, Mark Esper, et d’autres hauts responsables. Un coup d’Etat en vue ? En réalité, rien de tout cela, jugent les experts. Le Président veut obtenir gain de cause sur la sortie américaine d’Afghanistan avant son départ, et continue à gesticuler sur l’élection, mais n’aurait pas de grand plan machiavélique en tête. Ce qui est surprenant, c’est que ses lieutenants ne le « lâchent » toujours pas. Et cela, pour des raisons politiques. Mitch McConnell veut jouer l’unité du parti avant l’élection cruciale du Sénat en Géorgie en janvier, qui déterminera son bord politique. Et d’autres députés et sénateurs misent aussi sur cette stratégie pour leur réélection au Congrès, en 2022. Un mauvais calcul ? Cette situation montre en tout cas à quel point Donald Trump, pourtant affaibli, garde une forte emprise sur le parti républicain. Une fois de plus, de vulgaires calculs politiques l’emportent sur le slogan « America First », pourtant défendu avec enthousiasme pendant la campagne. Enfin, dernier argument : selon les rumeurs, Donald Trump compterait se représenter en 2024, et les républicains jugent qu’au vu de sa performance en 2020, ce scénario n’est pas totalement sidérant.
En attendant, les derniers résultats de cette élection continuent de tomber. L’Arizona a été attribuée officiellement à Joe Biden hier, et aujourd’hui, la Caroline du Nord a été appelée en faveur de Donald Trump et la Géorgie de Joe Biden. L’écart est très mince (14.000 voix sur près de 5 millions de votes) si bien que la Géorgie vient de commencer le recompte manuel des voix. Mais cela signifierait que Joe Biden gagnerait avec 306 grands électeurs, soit exactement le même score que Donald Trump il y a quatre ans. Qui était « une victoire massive et écrasante », avait alors dit l’intéressé.
De son côté, Joe Biden, qui attend ce moment depuis 40 ans, a choisi de passer à l’action sans attendre. Il a nommé une équipe de conseillers scientifiques pour la gestion de la crise Covid, mais aussi une équipe de plus de 500 personnes pour enclencher la transition dans les agences fédérales, malgré les résistances. Mercredi, il a nommé son chief of staff, Ron Klain, son conseiller de la première heure quand il était sénateur il y a plus de 30 ans et qui était déjà son chief of staff quand il était vice-Président. Dans l’administration Obama, ce dernier avait aussi organisé la réponse à la crise Ebola, si bien qu’il est qualifié sur ce sujet en pleine pandémie.
Car c’est bien le drame qui se joue à l’heure actuelle, la virulence d’une deuxième vague de Covid-19 contre laquelle personne n’agit, dans cette période de flou artistique. Nous avons atteint les 160.000 cas quotidiens aux États-Unis, soit plus de deux fois plus qu’au pic de l’été dernier, plus de 10 millions de cas et plus de 240.000 morts dans le pays à ce jour. La résurgence se joue en particulier dans le Midwest : Wisconsin, Illinois, Michigan, Minnesota, Iowa et Missouri, où les hôpitaux sont parfois surchargés. Plus que jamais, il est donc de la responsabilité du pouvoir (encore) en place de mettre l’intérêt des Américains au-dessus de tout, d’agir et répondre le plus rapidement possible à cette tragédie, afin de sauver des dizaines de milliers de victimes. Au lieu de ça, Donald Trump a passé la week-end à jouer au golf.