Raviver le Rêve américain, mission impossible?

Je vous parlais dans mon dernier post de la présence de femmes fortes et qualifiées dans la nouvelle administration Biden. Surtout, le profil de ces femmes dans la nouvelle équipe économique démontre la priorité de ce Président : l’emploi et la lutte contre les inégalités économiques.

 

C’est par exemple le cas de Janet Yellen, l’ancienne président de la Fed, qui vient d’être nommée secrétaire au Trésor. Elle est originaire du quartier juif polonais Bay Ridge de Brooklyn, et a déjà raconté comment ses origines lui avaient montré que le fameux American Dream n’était pas accessible à tous. Pendant tout son travail académique, elle a beaucoup étudié le marché du travail et au début des années 2000, elle a milité pour que la Fed établisse un objectif d’inflation à 2 % (au lieu de 0 auparavant), pour favoriser l’expansion économique et donc la baisse du chômage. Elle est aussi sortie de la réserve habituelle de membre de la Fed en 2014, en suggérant que la montée des inégalités était contraire aux valeurs américaines. Cela lui a valu de nombreuses critiques des politiques à l’époque, mais montre bien son engagement philosophique sur le sujet.

 

Cette conviction est partagée par Cecilia Rouse, nommée présidente du comité des conseillers économiques du Président – et première femme Noire à ce poste. Dans son discours, la doyenne de Princeton a raconté avoir très tôt orienté son travail sur les employés, ce qui les pénalise et les empêche de progresser, l’impact sur leurs niveaux de vie, en expliquant à quel point la recherche économique est indissociable du réel, ce que vivent les gens au quotidien. Elle compte en particulier se pencher sur la question du statut des travailleurs de l’économie collaborative, comme les chauffeurs Uber et Lyft, et les chômeurs de long terme qui risquent d’émerger de cette crise.

 

On le voit, l’administration Biden déploie un agenda économique très ambitieux, car la lutte contre les inégalités devient encore plus cruciale dans une période de crise profonde, comme celle de cette pandémie. Joe Biden a déjà connu cela : début 2009, il est devenu vice-Président d’un pays en pleine crise financière, trois mois après la chute de Lehman Brothers. Mais la situation est aujourd’hui bien différente, et ce pour plusieurs raisons.

 

Tout d’abord, alors que l’économie avait quasiment touché son point bas début 2009, nous sommes encore loin de pouvoir évaluer les conséquences de ce choc d’offre et de demande, qui est d’un genre totalement nouveau. L’aérien, la restauration, l’hôtellerie, le tourisme… Bien malin qui peut prédire quand ces secteurs se remettront de ce tsunami, et qui restera vivant. Ensuite, Barack Obama et Joe Biden bénéficiaient d’un Congrès démocrate en2009, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les deux sièges de sénateurs de Géorgie qui sont soumis au vote début janvier seront déterminants comme on l’a vu, mais quoi qu’il arrive, l’exécutif devra composer avec une opposition très hostile. Dernier exemple de ce duel d’egos, au détriment du peuple : une loi de relance de 908 milliards de dollars, qui a été conçue par des membres des deux partis et validée par les leaders démocrates, est pour l’instant ignorée par le porte-parole Républicain au Sénat, Mitch McConnell, qui réclame une enveloppe plus petite.

 

Le Congrès avait pourtant agi vite et fort au printemps dernier avec un plan d’urgence de 2.200 milliards de dollars. Mais cette enveloppe est vide depuis cet été, et le blocage politique prévaut, aux dépens des besoins criants des entreprises et citoyens. Malgré tous ces vents contraires, une chose est sure : l’heure n’est pas aux économies. Si Donald Trump a contribué à creuser le déficit public américain avec une généreuse réforme fiscale pendant son mandat, l’administration Biden doit poursuivre une relance ambitieuse (autant que possible avec ce Congrès), sinon elle devra payer pendant encore de longues années le prix de son inaction à un moment clé.

 

Enfin, outre l’arme fiscale, Joe Biden ne peut bénéficier comme Barack Obama de l’arme monétaire. Car si les taux d’intérêt étaient encore à 3 % en 2009, ce qui laissait à la Fed (la banque centrale américaine) des marges de manœuvre pour les baisser et booster l’économie, ils sont aujourd’hui à 0. Et la Fed, sous l’impulsion de Jerome Powell, a déjà sorti des armes exceptionnelles pour éviter le pire au printemps et n’a donc plus autant de munitions.

 

L’équation est donc très compliquée pour Joe Biden qui, comble de tout, ne peut même pas compter sur la coopération de l’administration sortante, comme l’a fait Obama. Le secrétaire au Trésor sortant a annoncé la fin de mesures de prêts d’urgence aux entreprises au 31 décembre et réclame le retour des sommes non dépensées par la Fed, alors que de son côté, George W Bush avait débloqué 350 millions de dollars de fonds pour sauver les banques. Les sorties de Président se suivent, mais ne se ressemblent pas…

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