The R word

Récession… Le mot qui fait trembler les banquiers, dealmakers, et au-delà une grande partie de la population Américaine, dont les fonds de retraite (401k) sont placés sur des marchés financiers en pleine déroute.

 

Si l’immense majorité des économistes s’accorde à juger que les tarifs douaniers mis en place par Donald Trump la semaine dernière seront néfastes sur l’économie – le terme de « blessure auto-infligée » tourne dans les bouches des éditorialistes depuis quelques jours -, le débat persiste pour savoir s’ils vont faire entrer les États-Unis en récession dès maintenant.

 

Vendredi dernier, Jerome Powell, le Président de la Fed, n’a pas été très rassurant en jugeant que si les tarifs étaient bien plus lourds et étendus qu’anticipé, il était en mode « wait and see » ses effets sur l’inflation et l’économie. Comprendre : nous n’allons pas baisser les taux simplement pour rassurer des marchés en pleine crise de panique. Fidèle à son indépendance, la Fed ne compte agir que sur des données macro-économiques et ajuster sa politique monétaire sur des sous-jacents de l’économie réelle comme l’inflation, la croissance, le taux de chômage etc. Elle n’offrira pas de prévention, et seulement un traitement si la maladie s’installe.

Une pilule difficile à avaler

C’est cette analogie médicale qui a d’ailleurs été utilisée par Donald Trump à bord d’Air Force One ce dimanche, alors qu’il revenait d’un week-end de gold en Floride. « Je ne veux pas faire baisser quoi que ce soit, mais parfois nous devons prendre un médicament pour réparer quelque chose », qui aurait donc des effets secondaires à durée limitée selon lui. Cela n’a pas contribué à rassurer les marchés après deux journées catastrophiques jeudi et vendredi, et le principal indice américain, le S&P 500, a frôlé le territoire « bear market » aujourd’hui, c’est-à-dire une chute de plus de 20 % depuis son dernier pic, une première depuis 2022. Avant de remonter au terme d’une séance d’une très rare volatilité.

45 % de chances de récession en 2026 

Après les mesures aussi punitives que les tarifs douaniers annoncés lors de Liberation Day (sans même intégrer le supplément de 50 % de tarif contre la Chine agité aujourd’hui par Donald Trump), les financiers commencent à sortir du silence et à évoquer le mot tabou : « récession ». Un  autre mastodonte américain, Jamie Dimon, le patron de la plus grande banque mondiale JP Morgan, a publié une lettre à ses actionnaires dans laquelle il juge que ces tarifs vont « ralentir la croissance », et ses économistes ont relevé par deux fois la probabilité de récession américaine, qu’ils estiment aujourd’hui à 45 % contre 20 % il y a une semaine. Il déplore surtout le démantèlement d’un axe des pays libéraux de l’Ouest, qui pourrait conduire à des alliances opportunistes avec des pays comme la Russie et la Chine.

« America First c’est bien, tant que cela ne finit pas par être l’Amérique seule » - Jamie Dimon

L’hiver nucléaire économique

Bill Ackman, un gérant de hedge fund milliardaire et soutien de Trump, qui avait initialement soutenu les tarifs, dénonce désormais l’ « hiver nucléaire économique » de la prochaine vague de tarifs, qui doit entrer en vigueur mercredi. Et il ne se prive pas d’accuser le secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, d’être investi dans les obligations américaines via son ancienne firme, Cantor Fitzgerald, et ainsi de tirer profit de la déroute des marchés boursiers. Un « conflit d’intérêt irréconciliable ». De là à parler de délit d’initiés, il n’y a qu’un pas…

 

Plus significatif, des politiques sortent de leur silence, signe de l’embarras républicain. Ted Cruz, qui a jugé que les tarifs étaient « un résultat terrible pour l’Amérique », qu’ils détruiraient les emplois dans le pays et feraient « beaucoup de dommage à l’économie ». Sans parler du « bain de sang » pour les Républicains aux prochaines élections de midterm.

Une perspective qui ne semble pas effrayer le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, qui a encore martelé sur CNBC, « je ne vois pas pourquoi on devrait intégrer une récession ». Jusqu’à ce que le « sell-off » des marchés ne devienne une prophétie auto-réalisatrice?

Précédent
Précédent

Les marchés ont raison, même face à Trump

Suivant
Suivant

Une victoire mais pas de KO (et le Tay Tay effect)