Une victoire mais pas de KO (et le Tay Tay effect)
Hier soir, j’ai écourté un super événement networking She for SHE dans le West Village pour prendre un métro vers Brooklyn. Direction ma TV, comme 57.75 millions d’autres personnes aux États-Unis ce soir-là. Nous attendions un duel entre Kamala Harris et il n’a pas déçu, grâce à deux paramètres essentiels : d’une part, des micros coupés lorsque l’adversaire parle (indispensable lorsqu’un candidat souffre de diarrhée verbale) et d’autre part, des modérateurs pugnaces, qui n’ont pas hésité à faire du « fact-checking » en direct, et à contester des déclarations fausses faites par Donald Trump.
Kamala Harris a délivré. Elle est apparue solide, claire et précise dans ses prises de parole. Son expérience de procureure joue pour elle, elle sait comment argumenter son dossier avec engouement, surtout quand elle a ici même à faire à un homme en cours de condamnation par la justice. Mais là où elle m’a épatée, c’est dans sa capacité à provoquer Donald Trump, à glisser des moqueries (sur la taille ou le contenu de ses meetings de campagne) ou des attaques délibérées sur des sujets qui lui tiennent à cœur, dans ses déclarations. Trump est peut-être un homme facile à lire, mais il ne me semble pas si facile à débattre, dans la mesure où il arrive facilement à pousser son interlocuteur sur la défensive. Kamala Harris a utilisé la même stratégie hier soir pour le faire réagir sur son héritage familial, son veto de la loi sur l’immigration ou son image de Président des riches, et elle a fait mouche. A chaque fois.
Comme le disait si bien mon collègue et ami Alexis Buisson, auteur du livre « Kamala Harris, la biographie » aux éditions de l’Archipel, ce débat a opposé une candidate sur-préparée et un candidat sous-préparé. Comme à son habitude, Donald Trump est parti dans des sorties parfois difficiles à suivre, et surtout n’a pas semblé vraiment prêt à délivrer le bon coup sur des sujets qui lui étaient plus favorables, comme l’immigration ou l’économie. Il aurait pu aisément gloser sur l’échec de la politique migratoire de l’administration Biden dont elle fait partie ou la perte de pouvoir d’achat liée à une inflation galopante. Mais au final, il a passé plus de 17 minutes à se défendre et à contre-attaquer sur des anecdotes ahurissantes -comme sa déclaration sur les immigrants qui mangent des animaux domestiques à des rallyes de campagne – qu’à détailler ses atouts.
Ce n’est pas un sans-faute pour Kamala Harris pour autant. Elle était si à l’aise dans l’exercice d’appâter Trump qu’elle n’a que peu détaillé ses propositions, en particulier sur l’économie ou l’immigration. Seule sa première déclaration a intégré un avantage fiscal par enfant, et une aide spéciale de 50.000 dollars pour les startups. Elle n’a pas non plus réussi à faire oublier qu’elle vient de l’administration sortante, et que les maux des Américains, particulièrement remontés contre Joe Biden, sont aussi de sa responsabilité.
Au final, ce débat ne servira probablement pas à faire changer d’avis ceux qui avaient déjà un candidat favori, mais pourrait faire pencher la balance d’une minorité cruciale, celle des États clés dits Swing states. Et surtout, last but not least, une seule personne avec une communauté de 283 millions de personnes a franchi le Rubicon : Taylor Swift a officialisé son soutien à Kamala Harris, se surnommant « Childless Cat Lady » en référence aux critiques du vice-Président de Trump, JD Vance, sur les femmes sans enfant. Y aura-t-il un Tay-Tay effect pour la course à la Maison Blanche 2024?