Too big to fail: faites ce que je dis…

Pendant que les Français profitaient d’un WE prolongé grâce au lundi 1er Mai (NB: à ce sujet aux Etats-Unis, les jours fériés tombent toujours des lundis, pour être sûrs de ne jamais se faire avoir), une opération sauvetage de la dernière heure se jouait de l’autre côté de l’Atlantique. Le rachat de la banque First Republic par JP Morgan.

La moins pire des solutions

Après avoir déjà mobilisé une solution d’urgence consistant en une envloppe de 30 milliards de dollars de la part de 11 banques, JP Morgan a finalement été choisi pour reprendre la banque en difficultés First Republic. La banque avait subi des retraits majeurs de dépôts (100 milliards de dollars) dans la foulée de la chute de Silicon Valley Bank et était au bord du gouffre. Contrairement à Silicon Valley Bank, le régulateur américain (FDIC) n’a pas donné carte blanche en assurant tous les dépôts de la banque sans exception - ce qui est une entorse particulièrement dangereuse au régime traditionnel des faillites des banques américains - et a choisi la solution qui était en principe la moins coûteuse pour les pouvoirs publics. JP Morgan a été le mieux-disant, même s’il n’y avait pas beaucoup de monde sur le deal.

Un “plus jamais” vite oublié

Il est ironique que quinze ans plus tard, Jamie Dimon le CEO de JP Morgan - qui répétait en 2018 que “non nous ne ferions jamais quelque chose comme Bear Sterns à nouveau” tant il en avait payé les frais légaux pendant des années - vienne à la rescousse du système bancaire. Et de la Maison Blanche, qui se clamait pourtant hostile à Wall Street. Avec cette opération, JP Morgan devient encore plus gros et rentable qu’avant, et confirme indéniablement son rang d’arbitre mondial de la finance. First Republic n’a certes bien sûr pas la taille systémique qu’avait Bear Sterns, et la situation est bien différente aujourd’hui. La stabilité entière du système financier n’est pas menacée par les paris hasardeux des plus grands acteurs de la finance sur les subprimes immobiliers. Et pourtant, “Too big to fail” est plus que jamais une réalité.

Too big to fail 2.0

La régulation Dodd Frank de 2010 a certes eu de grands bienfaits, et encadré la prise de risque et la liquidation d’un secteur à hauts enjeux. Mais entre temps, l’administration Trump a abaissé les contraintes pesant sur les grandes institutions financières américaines, des réformes sans aucun doute négociées sur les greens de golfs de l’ancien Président.

Et aujourd’hui, l’inefficience des règles pour les plus petits acteurs est démontrée par la capacité de la première banque américaine et même mondiale à aspirer tout acteur éclopé de la place. Pour Joe Biden, l’émergence d’une nouvelle crise financière n’est pas une option à 18 mois du prochain scrutin présidentiel, et JP Morgan était le plus sûr des choix. Quitte à s’asseoir sur les règles établies en 2010 avec cette ambition du “never again”. Pour l’instant, l’exécutif clame que la menace a été écartée, mais les Etats-Unis comptent encore près de 5.000 banques commerciales, et certaines ont largement profité du robinet ouvert de la Fed depuis la pandémie (la dette des ménages américains a bondi à un record de près de 17.000 milliards de dollars fin 2022). Ce mercredi, la Fed a relevé ses taux une nouvelle - et dernière? - fois, à plus de 5%, et siffle la fin de la récré pour les cigales de la finance. Et si la Maison Blanche affiche son “wishful thinking'“, personne ne sait encore si d’autres faillites sont à venir.

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