Trump et Covid : les deux côtés du miroir

Comme il l’avait annoncé, Donald Trump est sorti de l’hôpital lundi, alors qu’il est encore infectieux. Il y a reçu une batterie de soins intensifs, à savoir des stéroïdes et une assistance en oxygène, ce qui démontre que son transfert à Walter Reed n’était pas qu’une mesure de précaution, comme cela a été présenté au début. Pourtant, le Président est rentré à la Maison Blanche et a orchestré son retour avec une vidéo digne d’une télé-réalité, enlevant son masque pour l’occasion. Pire, il a renchéri à coup de tweets, assurant qu’il avait combattu le virus, qu’il le comprenait désormais et, camouflet ultime pour les 208.000 morts américains, s’est exclamé « n’ayez pas peur ! ». Il a aussi promis qu’il serait au rendez-vous du deuxième débat, le 15 octobre.

 

Cet épisode de la saga politique américaine démontre une fois de plus à quel point la communication de la Maison Blanche - et dans ce cas, de ses médecins – est peu crédible. Car pour expliquer la description très optimiste de l’état du Président, Dr Conley a révélé le lendemain qu’il voulait susciter l’espoir de son patient. Qui n’est aussi autre que son supérieur hiérarchique, et a largement influencé la teneur de ce discours. Comme pour toutes les autres histoires à son sujet, Donald Trump a voulu contrôler le récit, de façon à apparaître comme le Président que rien ne peut abattre. Même la pandémie la plus grave depuis la grippe espagnole.

 

Mais ce narcissisme et cette fierté ne risquent-ils pas de le desservir ? Il y a deux faces à ce miroir : d’un côté, le Donald Trump combatif et infaillible, qui ne tolère qu’une narration élogieuse sur sa personne. Mais en paradant sur Twitter, le Président risque aussi de choquer les centaines de milliers de concitoyens qui ont perdu un proche à cause de ce virus depuis le début de l’année, et s’attirer leurs foudres. Sans parler de sa sortie de l’hôpital pour saluer ses fans, au mépris des gestes barrière pour ses agents de sécurité. Un très mauvais calcul stratégique, alors que des millions d’Américains sont en train de voter à l’heure actuelle.

 

L’autre côté du miroir est celui d’un homme affaibli par la maladie certes, une vision moins avantageuse pour lui mais qui pourrait lui valoir des points de sympathie de la part des Américains. L’Histoire du pays montre que les Présidents malades en ont bénéficié dans leur cote de popularité, et Donald Trump aurait pu en profiter pour afficher un visage plus humain et accessible, sans pour autant ouvrir la voie à une passation éventuelle à Mike Pence.

 

La suite lui donnera-t-elle raison ? A ce stade, le Président est un challenger face à Joe Biden, mais son passage à l’hôpital semble lui avoir donné la rage du lion, face à des démocrates qui ont osé formuler une possible incapacité. Il a indiqué qu’il allait geler les négociations en cours sur le passage d’un nouveau plan de relance américain. Un texte de loi pourtant indispensable à des millions de citoyens qui ont perdu leur emploi et leurs revenus pendant la pandémie, et aux entreprises. Et cela, alors que le président de la banque centrale américaine (la Fed), Jerome Powell, a appelé les États-Unis à trouver un accord pour éviter une chute « tragique » de l’économie du pays. Une fois de plus, les Américains les plus faibles sont en train de trinquer du jeu politique électoral.

Rendez-vous est donné ce soir pour le grand duel Kamala Harris-Mike Pence, séparés par des vitres en plexiglas!

Précédent
Précédent

Celui qui a pris la mouche

Suivant
Suivant

Un tournant de l’Histoire ?