Un tournant de l’Histoire ?
Comme dans tout bon thriller, le revirement de dernière minute qui rebat toutes les cartes. Vendredi, à 32 jours de l’élection présidentielle, Donald Trump a confirmé qu’il était positif au Covid. Cela n’est finalement qu’une demi-surprise dans la mesure où le Président a tenu à maintenir des rallyes de campagne, en personne et sans masque, ces derniers mois. Ironie du sort : après avoir minimisé l’importance des gestes barrière comme le port du masque, Donald Trump a contribué à la propagation du virus à la Maison Blanche. Le 26 septembre, il annonçait dans le Rose Garden la nomination d’Amy Coney Barrett à la Cour Suprême, événement où sept sénateurs et membres de la campagne ont été contaminés.
Mais aujourd’hui c’est la confusion, et les informations contradictoires données par ses proches conseillers, nous laissent pantois. Car après que le Président a été transféré à l’hôpital militaire Walter Reeds, son médecin a fait deux déclarations très optimistes sur son état de santé, qui laissent des parts d’ombre : il a parlé de progression de son état en 72 heures, ce qui signifie que le diagnostic a été fait au moins jeudi voire mercredi, et après éludé le sujet, a reconnu qu’il avait reçu deux fois de l’oxygène. Mais estime quand même qu’il pourrait sortir de l’hôpital lundi. Surtout, le chef de cabinet de la Maison Blanche, Mark Meadows, a pris les journalistes à part samedi pour dire que l’état de Donald Trump était « très préoccupant » et que les 2-3 prochains jours seraient déterminants.
Il n’en fallait pas plus pour relancer les spéculations sur l’état réel de santé réel du Président, qui a cherché à rassurer ses concitoyens via des vidéos sur Twitter. Quoi qu’il en soit, cet imbroglio montre deux choses : d’une part, l’administration Trump n’a pas tenu les Américains informés en temps et en heure sur sa contamination. Plus préoccupant encore, dans le pays des « fake news » où le locataire de la Maison Blanche nourrit lui-même des théories du complot, de nombreuses personnes n’ont pas cru qu’il était vraiment malade, jugeant qu’il voulait attirer des votes de complaisance ou même éviter un deuxième débat télévisé. C’est totalement irrationnel, mais à ce stade, tout paraît envisageable. Rappelons qu’en 2016, Hillary Clinton avait dû combattre la Pizzagate, une rumeur tenace sur son directeur de campagne, un réseau pédophile et une pizzéria.
D’autre part, le Président et ses proches n’ont pas respecté les recommandations des autorités sanitaires. Cela a été confirmé, ils étaient au courant du test positif de Hope Hicks, la conseillère de Donald Trump qui l’accompagne quotidiennement dans ses rallyes, lorsqu’ils ont décidé de prendre l’Air Force One pour assister à un meeting dans le New Jersey, jeudi. Pire, le vice-Président Mike Pence, qui est lui aussi un cas contact mais a été testé négatif pour le moment, va continuer ses déplacements de façon « agressive », a confirmé son équipe.
Qu’est-ce que cela change dans cette folle campagne ? Rien selon la campagne Trump, qui compte répliquer le même message « Keep America Great » dans les prochains jours, et s’appuyer sur la figure du Président comme leader indispensable du pays, même s’il ne sera pas présent physiquement. Du côté de Joe Biden, le candidat démocrate, qui voulait faire de cette campagne un référendum sur la gestion de la pandémie mais n’avait pas tellement réussi, compte aussi insister sur l’importance du masque. Expliquer, en filigrane, qu’il sera bien mieux placé pour lutter contre cette pandémie, sans pour autant pilonner un adversaire dont l’évolution de son état de santé est encore inconnue. Ce sera un exercice d’équilibriste, mais Joe Biden, qui mise sur l’empathie dans cette campagne comme je vous l’expliquais, excelle dans ce rôle assez paternaliste.
Les derniers sondages lui donnent un très net avantage : 53 % d’intentions de vote des électeurs enregistrés, selon Wall Street Journal/NBC News, contre 39 % pour Trump. Cette avance de 14 points s’est creusée -elle n’était que de 8 points le mois dernier – mais le sondage a été réalisé juste après le débat, et avant le diagnostic du Président.
Enfin, cela change-t-il la confirmation d’Amy Coney Barrett à la Cour Suprême ? Celle-ci a été testée négative mais trois sénateurs républicains du comité judiciaire sont contaminés, ce qui aurait pu ajourner le process. Mais Mitch McConnell, le leader républicain du Sénat, a une fois de plus montré son jusqu’au-boutisme et indiqué que les auditions auraient lieu comme prévu, en présentiel et par visio-conférence pour certains, Covid ou non. Drôle de démocratie…